Après les mouvements de boycott de l'école, les 24 et 27 janvier, suite à des rumeurs sur un prétendu enseignement de la « théorie du genre », les outils mis en place à l'école pour lutter contre les inégalités entre hommes et femmes – tels que l'« ABCD de l'égalité » – sont vivement critiqués par des élus UMP. Ils devraient par ailleurs faire partie des principaux mots d'ordre de « La Manif pour tous » de dimanche 2 février. Ils dénoncent une offensive sur la question du genre à l'école dont le but serait de prôner l'« indifférenciation sexuelle ».
- Que se passe-t-il à l'école ?
Dans plus de 600 classes de dix académies volontaires, les ministères de l'éducation nationale et des droits des femmes expérimentent depuis la rentrée 2013 les « ABCD de l'égalité » dans le but de
lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Ce dispositif pédagogique s'inscrit dans la lutte contre les inégalités – de réussite scolaire et d'orientation notamment – entre les filles et les garçons. Son objectif est donc de
remettre en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Par exemple, les filles, encouragées à
jouer à des
jeux plus doux, sont plus sages alors qu'il est considéré comme normal que les garçons soient plus turbulents. Par la suite, elles se tournent davantage vers les métiers de soins peu qualifiés et moins payés, elles délaissent les filières scientifiques malgré de bons résultats scolaires, ce qui perpétue la division traditionnelle des rôles.
- Comment fonctionne l'« ABCD de l'égalité » ?
Concrètement, il se décompose en séquences pédagogiques adaptables de la grande section de maternelle au CM2. Les enseignants – formés au préalable – disposent ainsi d'outils et de ressources pour
« aider à la prise de conscience des préjugés (…)
et transmettre à tous une culture de l'égalité entre les sexes ». Ces séquences sont censées ne rien
ajouter – ni en termes de contenu ni en termes d'horaires – aux enseignements en vigueur, mais
être intégrées dans les disciplines de manière transversale. Il ne s'agit donc pas d'ateliers ou de cours supplémentaires, mais plutôt d'un cadrage des pratiques – et des ressources – qui faisait défaut sur le terrain jusqu'à présent. Les outils pédagogiques peuvent
prendre la forme de conseils pour
prendre conscience et
lutter contre les stéréotypes dans le
sport ou la littérature, ou d'un
mode d'
emploi pour
construire des règles de jeux qui favorisent la mixité en éducation
physique et sportive.
- L'« ABCD de l'égalité » va-t-il gommer les différences entre les garçons et les filles ?
L'objectif du gouvernement n'est pas de
nier les différences entre les garçons et les filles. Comme l'a rappellé le 28 janvier le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon,
« jamais aucun professeur n'a pu imaginer de nier les différences, alors qu'il enseigne précisément le respect des différences et de cette différence fondamentale filles-garçons (…)
En reconnaissant la différence biologique, nous voulons tout de même qu'il y ait égalité entre les femmes et les hommes au sein de la société, en particulier dans le choix des métiers », a-t-il ajouté.
Le ministre répondait ainsi aux attaques dont lui et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, ont fait l'objet de la part de
responsables politiques et de militants, et au mouvement de retrait des écoles qui a eu lieu le 27 janvier suivant les recommandations de Farida Belghoul, ancienne figure de la lutte des « Beurs » des années 1980, devenue
proche du militant d'extrême droite Alain Soral. Selon ces critiques, les expérimentations telles que l'« ABCD de l'égalité » seraient issues de
« théories » dont les objectifs seraient de
nier les différences entre les hommes et les femmes et de
« détruire le modèle hétérosexuel de la famille ». L'éducation nationale servirait donc selon eux à
inculquer cette
« idéologie » dès le plus jeune âge.
- Existe-t-il une telle théorie ?
Les chercheurs spécialistes de la question sont unanimes : il n'existe pas une « théorie du genre », mais des
« études de genre ». Ces « gender studies », venues des Etats-Unis, sont un paradigme universitaire : dans les années 1960 et 1970, plusieurs chercheurs ont étudié les raisons des inégalités hommes-femmes, dont ils ont fait un matériau d'études. En réalité, ces « gender studies » se traduisent par « études sur le genre », et sont donc une discipline universitaire, en aucun cas une idéologie ou une théorie
politique. D'autant qu'au sein de ce courant universitaire les oppositions sont vives. Ces études de genre ont donc pour objectif de
déconstruire les inégalités et non les différences et la réalité biologique.
Le concept de genre s'est développé comme une réflexion autour de la notion de sexe et du rapport homme-femme. Loin de
nier la différence entre le sexe féminin et le sexe masculin, le genre est utilisé par les chercheurs comme un outil permettant de
penser le sexe biologique (homme ou femme) indépendamment de l'identité sexuelle (masculin ou féminin). Il ne s'agit donc pas de
dire que l'homme et la femme sont identiques, mais d'
interroger la manière dont chacun et chacune peut
construire son identité sexuelle, aussi bien à travers son éducation que son orientation sexuelle (hétérosexuelle, homosexuelle, etc.).
Nessun commento:
Posta un commento